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Philippe Caillaud est le dernier paysan de Saint-Marc

À la fois anticonformiste et respectueux des traditions, Philippe Caillaud est atypique. Connu pour son franc-parler, son aversion profonde pour les grandes surfaces, il est aujourd'hui le dernier des Mohicans de l'agriculture dans le petit village des irréductibles Saint-Marcois.

S'il devait n'en rester qu'un, Philippe Caillaud serait certainement celui-là. Sa gouaille, son extrême détermination, sa volonté affirmée de croire en une agriculture saine et raisonnée sont autant de critères qui le caractérisent. Ce rescapé de l'urbanisation galopante du village gaulois de Saint-Marc ne passe pas inaperçu. Ce matin-là, la pluie et le vent sont bien présents. Le ciel est gris et pour un peu on se croirait en hiver. Mais pour Philippe Caillaud, ce mardi d'avril est un jour comme les autres. Dans l'agriculture, les conditions météo font parties du travail. Comme des milliers de Français, il se lève tôt mais lui, c'est pour aller chercher ses vaches au pré et procéder à l'unique traite de la journée : « C'est un choix que j'ai été amené à faire dans l'organisation de mon travail ». Propriétaire d'une soixantaine de vaches laitières Prim Holstein,  il produit près de 300 000 litres lait annuellement, mais pas n'importe quel lait ! Du bon lait bio, dont les deux tiers sont livrés à la laiterie Eurial. La ferme des Pouls Hauts compte 165 ha. Sur cette surface, 8 ha sont consacrés au maïs, 2 ha à la  betterave, 6 ha de féveroles, 16 ha de méteil (mélange de céréales), 1 ha au maraîchage de printemps, et surtout 135 ha à l'herbage.

Le bio, c'est le respect de la nature

Le choix de l'agriculture biologique ne date pas d'hier et a été mûrement réfléchi. « Avec mon frère Gilles, nous sommes passés au bio en 2000 et cela pour différentes raisons. L'agriculture intensive qui était moderne dans les années 70 ne l'était plus. Le mode d'agriculture biologique et durable présentait pour nous un vrai aspect de modernité et d'avenir. L'agriculture, c'est le respect de la nature. C'est la comprendre. En bio, on dit qu'il faut faire fonctionner le sol pour nourrir la plante. Il s'agissait aussi de trouver un véritable intérêt technique au coeur même d'une ferme urbaine. Titulaire  d'un BAC + 5, puis technico-commercial, l'ingénieur agronome a d'abord exercé dans la vente de graines de légumes ou de fleurs et d'engrais. Mais très rapidement le désir d'autonomie a eu raison d'un parcours qui semblait tracé. «  Personnellement, j'ai pris la succession de mes parents en 95. Mon frère Gilles était déjà sur la ferme et pratiquait la transformation laitière, ainsi que la vente directe dans les quartiers populaires comme à Kerlédé ». Gilles est décédé en 2010. Philippe a décidé de poursuivre l'aventure pour perpétuer une tradition familiale qui remonte à la fin du XIXe siècle. Au beau milieu de la campagne verdoyante, la ferme des Pouls Hauts domine en plein coeur d'un îlot de terre d'une cinquantaine d'hectares pâturables. La structure est pour sa part parfaitement adaptée aux besoins de l'exploitation. Il y a notamment, un bâtiment de 1 500 m2 pour les laitières, avec un lieu pour les veaux, un autre pour la soixantaine de génisses, une salle de traite en 2X5 m, un laboratoire, un hangar à fourrage, une fosse à lisier.

Les grandes surfaces sont la ruine du métier

Dans le laboratoire, 33% de la production de lait est transformée. De là sortent, des yaourts, de la crème, du beurre, de la tomme Saint-Marcoise. Tous ces produits sont distribués dans des lieux tels que la SOCALI, en direct ou dans les magasins de producteurs, mais surtout pas dans les grandes surfaces. Un choix que justifie Philippe Caillaud : «  Dans les années 80, nous étions présents dans les grandes surfaces, mais on a vite compris que ce système ne correspondait pas à notre philosophie de vie. Aujourd'hui, il existe une entente de fonctionnement dans les GMS pour pressurer les fournisseurs notamment dans l'alimentaire. Ce mode de fonctionnement leur permet de maintenir et d'augmenter leur marge. Résultat, les producteurs pleurent car leur chiffre d'affaires est en régression. En tant que producteur local, on est trop petits face à ces gens-là. La relation est déséquilibrée et on peut être rapidement dépendants ». Intarissable sur le sujet, Philippe Caillaud en profite pour dénoncer un engrenage qui cause la perte de nombreux paysans : « Les grandes surfaces ont besoin de se refaire une virginité en faisant une place aux produits locaux. À l'échelle du producteur, c'est déjà beaucoup, sachant qu'elles drainent 80 % des parts du marché alimentaire. C'est une parfaite illustration de la ruine du métier du paysan ».
 
 

Pourquoi vouloir toujours plus ?

Parvient-il à tirer des revenus substantiels de son métier ?  Le président du syndicat agricole de la Socali répond : « Je n'ai pas le niveau de vie que j'avais dans mon parcours professionnel initial. Cela dit, je n'en tire aucune amertume. Mais  si je calculais mes revenus en fonction des horaires de travail, cela serait catastrophique. En temps normal, on frôle les 60 heures par semaine. Qui plus est, je prends peu de vacances, hormis une semaine en février dernier pour aller à la neige. Cela fait maintenant dix-sept ans que ça dure. Mais ce n'est ni grave, ni même un problème. J'ai la chance d'avoir un métier que j'aime et qui change tous les ans. Il n'y a pas de routine, hormis la traite, car la profession a évolué et cela se quantifie assez mal au niveau de l'argent. Certes, il y a des moments de lassitude, mais je suis heureux. Ce que je gagne est le fruit de mon travail et correspond aux choix que j'ai faits ». La célèbre phrase de Nicolas Sarkozy « Travailler plus pour gagner plus » ne correspond en rien à la philosophie de vie de Philippe Caillaud. Et de renchérir : « Pourquoi vouloir, toujours plus ? Ca n'a pas beaucoup de sens. Pourquoi une Rolex ?  Moi je considère que j'ai réussi ma vie, parce que je n'ai pas de Rolex. Croyez-moi, c'est un vrai luxe de pouvoir penser comme cela de son métier ».

L'agriculture l'oubliée de la campagne présidentielle  

Un métier d'agriculteur que Philippe Caillaud aurait aimé voir lors débat présidentiel, mais qui au bout du compte aura été totalement absent. « L'agriculture a été un dossier oublié de la campagne. Le quinquennat du Président Sarkozy aura été marqué en agriculture comme dans d'autres sujets par un certain asservissement au lobbying financier. Les espoirs nés lors du Grenelle de l'environnement ont disparu face à l'argent ».

Auteur : YE | 02/05/2012 | 2 commentaires
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Vos commentaires

#1 - Le 22 mai 2012 à 18h36 par Denigot, Saint Nazaire
A St Marc sur Mer comme ailleurs les paysans et les terres agricoles sont "grinotés".
J'ai connu tous ces paysans St Marcois il y a quelques decennies.
Il est temps de mettre des périmètres de protection pour que l'agricuture de proximité puisse répondre aux besoins futurs des urbains.

Nous perdons désormais un département tout les 7 ans. Et si dans les 20 années qui viennent les terres sont artificialisées au même rythme que sur les cadences des 15 dernières années, c'est l'équivalent de 32 millions de repas par jour qui manqureont aux consommateurs Français. (source Confédération Paysanne!)

On nous parlera encore de relocalisation des emplois, mais nous contribuons aux importerons nos produits alementaires !

Ou est la logique ?
Stop au grignoatge et aux projets inutiles autour des villes, comme les 2000 ha de Notre Dame des Landes .
#2 - Le 15 juillet 2023 à 15h16 par Lelièvre Joël , RezÉ
Bonjour il faut continuer pour les nouvelles générations je passerai pour acheter des produits Lelièvre Joël
ps on n emprenai déjà avec ta cousine Christine

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