La Ligue des Droits des Doits de l’Homme : « Aujourd’hui, en France, 1600 enfants dorment dans la rue soit 80 % d’enfants sans abri en plus depuis six mois. » Que fait-on à Saint-Nazaire ?

" Le lundi 29 août, un huissier se présentait au 107-109 boulevard Jean de Neyman à Saint Nazaire pour signifier le jugement d'expulsion pris le 8 juin, aboutissement du conflit qui oppose depuis 18 mois la municipalité aux Maisons d’Hébergement solidaires (MHS).  Les associations, le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les citoyens qui n’ont cessé de soutenir cette action innovante ne peuvent accepter que l’illégalité soit uniquement du côté des plus faibles. Combien y-a- t-il de marchands de sommeil sur Saint Nazaire ? Devrions-nous oublier le dramatique incendie rue de Pornichet en novembre dernier qui a fait deux morts ? Pourquoi le droit constitutionnel à un toit n’est-il pas respecté en France ? 

L’hébergement d’urgence est saturé. Dans la loi de finance 2022, il a été décidé la suppression progressive de 10000 places d’hébergement d’urgence. Les associations gérant des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) sont mises sous tension par un cadre budgétaire fermé. L’accompagnement social ne pourra qu’en souffrir. 

La production de logements très sociaux est insuffisante et les dispositions budgétaires pour soutenir le logement social sont en réduction. Il en va de l’avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui impacte fortement les bailleurs sociaux et obère leurs capacités de production et d’investissement. Bref la politique nationale du logement est défaillante. Et ce n’est pas l’augmentation du coût des matières premières et du peu de foncier disponible qui va permettre d’investir. 

Certes sur Saint Nazaire, nous avons une politique de construction de logements sociaux volontariste et soutenue par la municipalité. Mais les nuages sont présents et il ne faudrait pas les minimiser ! 

Et puis tous les acteurs de l’accompagnement social savent bien que la mise en logement ne peut pas se faire sans, pour certaines personnes, un accompagnement préalable dans un dispositif d’hébergement. 

Face à un tel tableau, nous sommes admiratifs du travail réalisé par les bénévoles des MHS qui ont remis en état les pièces à vivre des maisons réquisitionnées du boulevard Jean de Neyman. Entre février 2021 et le 08 aout 2022 ,123 personnes auront bénéficié de 550 nuitées en hébergement d’urgence (une nuit renouvelable) et de 6500 nuitées en hébergement stabilisé (un mois renouvelable) ; 80% des personnes hébergées ont été orientées par des institutions dont le 115 ! Et parfois les services sociaux municipaux ou départementaux. 

Dans cette expérimentation, l’accueil est inconditionnel. C’est un principe qui est très difficile à faire vivre et ils l’ont réussi. Cette réussite provient de leur forte implication, d’une cogestion avec les bénéficiaires, d’une sincérité des relations interhumaines et d’un travail en réseau conséquent : allant du secours catholiques en passant par l’ASC ou Oppelia. Le soutien du mouvement associatif nazairien a été réel tout au long des 18 derniers mois. La mobilisation citoyenne a été très forte dès le début de l’ouverture des MHS. Et se poursuit encore aujourd’hui. 

La richesse et la diversité des actions conduites par les MHS est aussi à saluer : stand avec vente tous les dimanches sur le marché de St Nazaire et ce pour mobiliser et obtenir des fonds solidaires, soutien scolaire, jardinage, soirées musicales, participation active aux assises locales de solidarités avec les migrants, et très fort accompagnement social individuel, etc… 

Le fonctionnement aussi est remarquable avec des usages et règles discutés et approuvés par les membres du collectif et les bénéficiaires, ce qui a permis de rendre bien vivant la notion de co construction des règles du vivre ensemble et leur intégration par les bénéficiaires. C’est probablement un des aspects qui a permis la réussite de ce lieu autogéré uniquement par des bénévoles et des usagers. 

Les MHS ont démontré leur utilité sociale, elles n’ont rien coûté aux contribuables. Les maisons occupées étaient inhabitées depuis dix ans pour une maison et quatre ans pour l’autre et il n’y a pas de projet immobilier immédiat dans cette partie de la ville. Leur réquisition fut bien faîte sur un principe d’utilisation non-dommageable pour des particuliers ou la collectivité. 

Bref, réduire le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), à un ramassis de dangereux squatteurs est une vue de l’esprit qui ne correspond en rien à la réalité ! 

Aujourd’hui, en France, 1600 enfants dorment dans la rue soit 80 % d’enfants sans abri en plus depuis six mois. (Chiffre fondation Abbé Pierre). A Toulouse, une centaine de Mineurs Non Accompagnés (MNA) auparavant hébergés par le CCAS ont été remis à la rue ; à Lille trois évacuations de bidonvilles ont jeté dans l’errance des centaines de familles. Toujours selon la fondation Abbé Pierre, les expulsions locatives, dès cet été, ont retrouvé leur niveau d’avant Covid. 

Saint Nazaire est une ville fière de sa politique sociale qui s’est toujours souciée des plus vulnérables. Il ne faudrait pas que pour un blocage dont nous pouvons par ailleurs comprendre certaines composantes, nous en soyons à une telle impasse. 

Des villes comme Marseille ou Rennes ont signé des baux précaires avec des associations gérant des lieux d’accueil pour personnes sans-domicile. Les questions autour des règles de sécurité d’un établissement recevant du public (ERP) doivent pouvoir trouver des solutions faciles grâce à l’hébergement diffus voir des mises aux normes pas forcement couteuses. 

Comme nous l’avons écrit le 1er septembre à l’élue en charge des solidarités, il est largement temps d’ouvrir des négociations avec le collectif Urgence sociale – Plus jamais sans toi(t), les associations et les personnes hébergées. Et sur ce point, nous rappelons que le collectif a toujours souhaité avoir un dialogue constructif avec la mairie. Une demande de bail précaire lui a été adressée qui aurait pu courir jusqu’à un autre usage de ces maisons. La mairie demanda une identité juridique, ce fut fait. Pour montrer l’intérêt et l’utilité d’une telle initiative solidaire et citoyenne, un rapport d’activité fut envoyé. La mairie trouva que les éléments de construction technique du projet étaient insuffisants. 

Nous en prenons acte mais n’y-a- t-il pas des services supports à la mairie qui auraient pu aider à la formalisation administrative de l’expérimentation en cours ? 

Autre point soulevé par la mairie : celui des champs de compétence. L’hébergement d’urgence est de la compétence de l’Etat. 

La municipalité n’est pas seule à rappeler à l’Etat ses obligations ! La LDH fait partie du collectif des associations unies qui regroupe 39 associations agissant dans le champ de l’hébergement d’urgence et du logement très social. Nous interpellons très régulièrement les gouvernements ! 

Et au-delà, le sans-abrisme concerne la vie dans la cité et touche tous les services publics : le CCAS dépendant de la commune pour la domiciliation et des aides financières ; les aides enfance/famille relevant du Conseil départemental ; les institutions et services de santé, tout comme la justice, etc. dépendant de l’État … Bref c’est un sujet aux compétences intriquées. Le Code de L’action sociale et des familles(CASF) n’empêche aucunement les communes qui ont un large champ de compétence en matière sociale d’élargir leurs actions au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales. 

Nous savons que la mairie a demandé au sous-préfet qu’il n’y ait pas d’expulsion sans relogement, soit. Cela concerne 18 personnes dont 5 enfants. Mais dans l’avenir qu’en sera-t-il du sans-abrisme dans notre cité ? 

Toutes les parties prenantes concernées par le sans-abrisme, dans un contexte tendu en matière de logement et d’hébergement d’urgence, doivent pouvoir trouver des points de convergence pour que l’action des MHS se poursuive en quelque lieu que ce soit. "

Pour la section de Saint-Nazaire, Jean-Luc Boero, Président 

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