Objet : Lettre ouverte à Monsieur le Maire de Saint Nazaire
Monsieur Le Maire,
Le conseil municipal du vendredi 27 septembre 2019 a relancé, s’il en était besoin, ce que vous avez appelé « l’affaire » et vous a amené à poser ce constat fort juste d’un conseil à la dérive.
En effet, la Ligue des Droits de l’Homme, tout comme vous, est attachée aux principes fondateurs du droit. Vous avez défendu la présomption d’innocence et l’impérieuse nécessité de signaler au procureur afin qu’une enquête décidée par le procureur et forcément impartiale puisse être conduite en vue de dégager des responsabilités voire des culpabilités.
Vous avez pris des décisions concernant ceux et celles qui avaient manifesté un désaccord à votre égard sur la manière dont fut conduite cette affaire par vous-même. Evidemment, il est fort normal que votre probité, vos valeurs et le sens de votre engagement en politique ainsi que les principes d’action de notre République ne soient pas mis en cause par des personnes ou des groupes qui seraient uniquement intéressés ou animés soit par des compositions politique en vue des prochaines échéances électorales soit par des ressentiments personnels. Tels semblent avoir été les motifs qui vous ont conduit à de telles décisions.
Lors du dernier conseil municipal, vous avez aussi exprimé votre totale solidarité avec l’ensemble des personnels de la ville et de la Carène afin de défendre, s’il en était besoin, toute thèse inconsidérée sur le sexisme ambiant ; voire pire. Une de vos adjointes a pu, lors de ce conseil, rappeler l’action conduite par vos directeurs et votre DRH concernant l’égalité des droits et la lutte contre le sexisme via une convention avec l’association « Prévenir et réparer ». Cela montre s’il en est besoin votre action dans ce combat.
La Ligue des Droits de l’Homme pourrait tomber d’accord avec vous si cette pénible et triste affaire ne conduisait pas vers un éclatement politique et un risque de recul des droits de nos concitoyens nazairiens les plus vulnérables. En effet, il eut été nécessaire d’avoir plus de hauteur de vue et aussi, au-delà de la légitime émotion traversée par les uns et par les autres, de prendre en compte le combat pour le droit des femmes dans son histoire, dans son approche sociologique, dans les subjectivités en jeu et dans son effectivité.
Nous vous rappelons qu’une affaire classée sans suite ne veut pas dire qu’il n’y a rien eu
Les socialistes de longue date ont dû se battre avec d’autres forces d’émancipation pour faire reconnaitre et admettre, les formes de domination masculine que des femmes et des jeunes filles vivaient fortement dans leur âme et leur chair. D’ailleurs, l’histoire pourrait vous conduire à noter que les socialistes n’ont pas toujours été tous derrière celles et ceux qui se battaient pour modifier les rapports de force et les droits des femmes. Sachez d’ailleurs qu’il en fut de même au sein de la Ligue des Droits de l’Homme où le sexisme était dominant dans les années d’avant-guerre voir au-delà.
Mais il ne s’agit pas ici de faire un traité d’histoire des organisations mais bien de vous rappeler quelques éléments qui forment la réalité vécue par ceux et celles qui vivent encore de nos jours les violences faites aux femmes.
En matière délictuelle ou criminelle, parmi les éléments constitutifs, l’élément matériel est déterminant. Comme vous pouvez l’imaginer, sans être pour autant un spécialiste du droit, l’élément matériel en matière de violence sexuelle est très souvent difficile à recueillir, ce qui induit que la majorité des plaintes sont classées sans suite.
Par ailleurs, les officiers de police judiciaire, les parquetiers et plus globalement la chaine judiciaire en France sont largement sous dotés. Cela a pour conséquences d’avoir des procédures longues et forcément douloureuses pour les victimes et auteurs présumés et que les mises en accusation prises sont parfois déqualifiées pour permettre un jugement plus rapide et éviter un embouteillage des cours d’assises.
De plus, en matière de violences faites aux femmes, comme l’a montré le dernier Grenelle conduit par le gouvernement actuel, les mesures à l’encontre des auteurs sont largement inefficientes et insuffisantes. Encore aujourd’hui trop souvent les plaintes ne sont pas prises par défaillance de formation à la violence faite aux femmes ou par manque de moyens dans les gendarmeries et commissariats.
La Ligue des Droits de l’Homme reste attachée au droit pénal français qui n’établit pas à la va-vite des culpabilités, ce qui évite que des innocents soient emprisonnés. Il ne s’agirait pas dans notre république de confondre ordre moral avec justice.
Tous les intervenants et associations qui agissent auprès des femmes victimes de violences vous diront que celles-ci vivent parfois très longtemps l’emprise de leur abuseur et qu’il ne s’agit aucunement de faire à leur place mais surtout et avant tout de les accompagner vers la libération de la parole. En effet, faire à la place conduit trop souvent à des classements sans suite car les moyens d’investigation sont souvent basés sur la confrontation et le poids de la parole de l’un n’est pas forcément identique à celui de l’autre.
La LDH aimerait que pour toutes les femmes, la justice soit aussi rapide et mette autant de moyens d’investigations que ce qu’il en fut pour cette affaire.
Nous vous rappelons qu’une affaire classée sans suite ne veut pas dire qu’il n’y a rien eu mais qu’en matière de droit pénal, la matérialité de l’infraction n’ayant pu être établie, la justice ne peut mettre en examen.
Ainsi, ces quelques éléments pour vous rappeler que le combat pour l’égalité des droits est loin d’être gagné et qu’il y a encore dans notre République plein d’êtres vulnérables qui souffrent en silence et dont leur situation ne donne pas lieu à une juste prise en considération. Cela participe de fait au discrédit du politique.
Mais nous savons bien que vous n’êtes pas responsable du manque de moyens de la justice et que comme nous, vous devez la regretter profondément et sincèrement.
Cependant, dans la situation qui a conduit à l’éclatement de votre majorité, à cette dérive et aux risques pour nos prochaines échéances électorales, votre attitude doit aussi conduire à une analyse critique.
brandir la théorie du complot ou s’en inspirer est profondément injuste et inique
Les responsabilités sont certes multiples mais brandir la théorie du complot ou s’en inspirer est profondément injuste et inique à l’égard de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui font de la chose politique leur investissement quotidien et portent comme vous des valeurs humanistes et de respect des principes fondateurs de notre droit. Il en est de même lorsque vous mettez en cause une élue qui a le droit d’avoir des convictions personnelles ou des intuitions et tente de vous faire comprendre le désespoir et la souffrance d’une de ses collègues. Votre comportement consistant à vous réfugier derrière le droit français est insuffisant. Un homme politique est avant tout un homme de convictions et il doit, lorsqu’il promeut la lutte pour l’égalité des droits, prendre en compte la souffrance et la honte que peuvent ressentir les femmes victimes et l’impact de telles dénonciations.
Il ne s’agit pas là d’un féminisme de victimisation comme a pu le dire une de vos élues, mais bien d’impacts traumatisants des violences faites aux femmes. Et c’est tout à fait normal que toutes les femmes ne vivent pas cette domination et n’en fassent pas la même analyse. Elle est relative et en baisse dans nos organisations. De plus, la domination est aussi inscrite dans les esprits. Et c’est pour cela que la subjectivité est aussi un élément à prendre en compte sans pour autant en faire une exclusive.
Cela n’a rien à voir avec une prétendue exagération ni une dramatisation inconsidérée et tout à fait injuste car niant les réalités objectives. Il s’agit avant tout de situations complexes et largement dépendantes de comportements individuels comme cette affaire le montre. Ne pas prendre en compte suffisamment cette complexité, comme vous semblez le faire, et ne pas avoir su écouter cette quête de protection et vous être réfugié derrière la justice française conduit à cette triste réalité d’une majorité municipale à la dérive. Cela donne à voir une rigidification que certains qualifient d’autoritarisme.
Mais cette dérive n’est pas inéluctable si vous faites cette démarche d’autocritique, si vous sortez de vos analyses fermées et si vous revisitez votre stratégie. Vous n’avez pas mal réagi, vous n’avez pas commis une faute, vous n’avez pas manqué de sensibilité mais vous avez manqué d’écoute et surtout de prise en compte de la complexité. Ce qui conduit aujourd’hui au constat que ceux qui en font les frais sont ceux qui ont parlé. En ce sens, vous n’avez pas conduit une action d’apaisement et encore moins d’émancipation.
Le risque est fort, comme a pu le dire un élu, que cet éclatement conduise à une bipolarisation lors des prochaines échéances électorales. Cet élu aurait pu rajouter que la crainte que nous pouvons avoir est que le prochain municipe ne conduira pas une politique sociale aussi forte, aussi ambitieuse que la vôtre. Entre un parti politique qui sélectionne ses pauvres et une force politique largement inspirée du libéralisme qui pose la responsabilité individuelle comme cause majeure de la pauvreté, on peut craindre évidemment un durcissement des aides aux plus vulnérables. Vous savez bien que tout cela ne conduira ni à la justice sociale ni à l’avancée des droits.
La Ligue des Droits de l’Homme, forte de ses convictions, respectueuse des principes du droit français, souhaite que le combat contre les injustices et pour l’égalité des droits reste prioritaire dans une période où nos concitoyens ont encore plus besoin d’une action publique basée avant tout sur l’intérêt général et la justice sociale.
Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’assurance de nos salutations distinguées
La section Ligue des Droits de l’Homme de St Nazaire
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