François Icher est un passionnant maître de conférence, Doctorant sur le compagnonnage au XXe siècle, il a offert à l’assemblée un fabuleux parcours sur les valeurs de l’apprentissage. À travers une histoire du compagnonnage, il explique que les valeurs de l’apprentissage portent notamment sur les moyens d'acquérir de nouvelles connaissances, qui sont source de mieux-être, et les lieux de savoir. Plus que jamais, le développement véritable de l’apprenti, du futur artisan ou ouvrier, n’existe que si les enseignements offerts se traduisent par des apprentissages concrets, c'est-à-dire par l'acquisition des connaissances, la capacité de raisonnement, l’enseignement des savoir-faire et des valeurs utiles. Dans cette perspective, on apprend que les protocoles d’apprentissage diffèrent partout sur la planète.
Une des pierres angulaires de l’apprentissage, c’est la transmission du savoir. La transmission, qui premièrement passe de main en main, est matérielle mais elle également immatérielle. Comme il le souligne « Il convient de s’interroger sur le mode de transmission : pourquoi ? Quoi ? Qui ? À qui ? Quand ? Comment ? Ou ? ». François Icher insiste sur le fait que l’évolution des techniques fait disparaître certaines choses et de facto certains métiers. La transmission est alors un outil pour lutter contre la disparition des connaissances et des cultures… Depuis que l’homme existe il a le souci de transmettre. Un chef d’entreprise a toujours le souci de savoir ce que va devenir l’objet qu’il a créé. Il va transmettre un héritage, dépositaire d’une responsabilité. La notion de savoir est associée à trois verbes : savoir penser, savoir faire, savoir être. Cependant, François Icher souligne « c’est une erreur lourde d’associer exclusivement savoir à intellect. En étudiant le compagnonnage, on s’aperçoit que la main est un élément fondamental du savoir. Le savoir-penser ne vaut rien si on ne peut l’appliquer concrètement par l’action manuelle ». Aujourd’hui, il y a un quatrième savoir essentiel pour les chefs d’entreprises, le savoir-communiquer, c'est-à-dire le faire-savoir. Il explique « Il faut absolument faire savoir le savoir faire. Sans ça on prive l’entreprise d’un rayonnement. En tant que chef d’entreprise il faut acter tout cela, c’est très important pour un apprenti ».
L’exemple du compagnonnage, né au Moyen âge il y a plus de huit siècles vient étayer son propos. Ce que nous explique François Icher est que les compagnons sont associés immédiatement à des hommes de métier, des experts qui ont forcément fait des chefs-d'œuvre. Le chef-d’œuvre est une façon de prouver l’expertise obtenue par l’apprentissage et la mobilité, car un bon apprentissage est associé à la notion de voyage. Le compagnonnage français a été inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2010 sous le titre « Le compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier ».
L’apprentissage propose des situations diverses où le jeune va apprendre seul tout en restant au sein d’une communauté. C’est un projet individuel qui va se mettre en forme avec et grâce à son maître d’apprentissage. Le projet principal d’un apprenti est de passer de la posture de solitaire au solidaire. C’est tout le paradigme de l’alternance, on apprend à travers deux temps forts, sur le terrain lorsque l’apprenti est sur le chantier, il apprend un savoir-faire, mais aussi à l’école car il faut également savoir penser le métier.
Une des notions que le conférencier rajoutera c’est l’importance d’accorder sa confiance au jeune que l’on reçoit « Si tu veux qu’un apprenti ait confiance en toi, commence déjà par lui accorder la tienne ». Une façon d’expliquer que la transmission n’est pas unique mais qu’elle est toujours différenciée et dans les deux sens. L’apprentissage ne consiste pas à proposer un copier-coller de techniques et de savoirs mais de faire-valoir l’esprit d’entreprendre. Le maître d’apprentissage n’a pas vocation à faire de son apprenti un clone. Il souligne « Transmettre un métier c’est d’abord transmettre les valeurs d’un métier. Un chef d’entreprise doit alors se poser des questions :
- Quelles sont les valeurs que j’associe à mon entreprise ?
- Quelles sont les valeurs que mes salariés associent à leur entreprise ?
- Quelles sont les valeurs que mes concurrents associent à l’entreprise ?
- Quelles sont les valeurs que les apprentis associent à l’entreprise ? ».
La valeur ainsi n’existe que lorsqu’elle est matérialisée à travers un acte. Le discours seul ne suffit pas et c’est là que se développe le savoir être. Le métier n’est pas une fin en soi mais va permettre à l’apprenti de se découvrir. Cette dernière définition est la valeur essentielle traduite à travers le compagnonnage qui représente aujourd’hui 46 000 compagnons dans 100 métiers de l’artisanat.
À la suite de cet exposé, deux jeunes apprenties sont intervenues pour rendre compte de leur expérience. Laëtitia, passée à l’IFOCOTEP* est en BAC pro commerce en deux ans chez un chocolatier. Elle explique « Je suis passée par un CAP car on m’avait dit que je n’étais pas faite pour les études. Aujourd’hui je ne regrette pas car j’ai une très bonne complicité avec mon maître d’apprentissage, j’apprends énormément de choses et il me responsabilise beaucoup ». Une fois encore, on constatera l’importance de la confiance accordée par le chef d’entreprise sur la responsabilisation des jeunes apprentis.
Cyrielle, passée par l’ACCIPIO**, a préparé un BTS Négociation Relation Client. Aujourd’hui, elle est chargée de clientèle dans une entreprise de carrelage de la Presqu’île, une entreprise que son maître de stage a montée à la fin de son apprentissage. Elle explique pour sa part : « Après un parcours un peu chaotique, je voulais allier le travail avec la théorie pour être sûre de ne plus me tromper. Mon maître de stage était très accessible, nous avions beaucoup de complicité ce qui m’a mise tout de suite à l’aise ». Elle insistera aussi sur la notion d’intégration, précisant que ce n’est pas non plus à sens unique et qu’au-delà du chef d’entreprise c’est aussi à l’apprenti de se faire sa place. « Mon maître d’apprentissage voyait que je faisais des erreurs, il me reprenait, en revanche il m’a toujours laissé les assumer. Cela m’a permis de forger mon caractère ». À la question quels sont selon vous les mots importants dans la relation entre apprenti et maître, elles répondent chacune « reconnaissance, patience et complicité ». Toutes deux finiront par expliquer que l’apprentissage est un parcours riche d’expérience qui aide à rentrer dans une vie d’adulte.
* Institut de Formation du Commerce et des Techniques professionnelles.
** Centre de formation géré par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Nantes- Saint-Nazaire.
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