C’est en 1793 que remontent les origines de Chantier Baudet. À cette époque, le chantier fabriquait des « Chattes* de la Bessevie », De curieux bateaux amphidromes** à très faible tirant d’eau. Aujourd’hui, ils seraient capables de franchir sans encombre le banc des Chiens, (banc de sable dans la baie face à La Baule).
En 1823, il fabriquait et mettait sur cale des navires en bois tel le trois mâts le « Cimaudif ». C’est à la fin du XIXe siècle que monsieur Baudet quitte le site de Paimboeuf et s’installe à Saint-Nazaire. La raison sociale Chantiers Baudet est constituée en 1929 sous la dénomination initiale « S.A. des Anciens Chantiers Baudet » suite au rachat de l’atelier de pouliage, tournage et tous travaux annexes du bois de Alfred Baudet. Expulsés de Saint-nazaire en 1941 pour la construction de la base sous-marine, les Chantiers Baudet s’expatrient à Basse-Indre. Après les bombardements, les travailleurs du bois reviennent au pays et prennent un nouvel élan en 1947 en participant à la reconstruction de la ville. C’est le début des années glorieuses. Un nouvel avenir s’ouvre avec pour l'activité motrice et l’aménagement de paquebots.
Chez Baudet, on se développe de la menuiserie et l’ébénisterie, à l’agencement de qualité, de prestige et de luxe. Le coeur de métier c’est la culture de la belle facture. Les Chantiers Baudet sont les « rois » des agenceurs locaux. Mais un mal sournois remonte du fonds des cales des navires.
Depuis le premier choc pétrolier, la nécessité de revoir les coûts de production pour lutter contre les chantiers asiatiques devient vitale. Il faut tirer les prix et faire appel à la sous-traitance étrangère. Durant les années 1970/80, les patrons des boîtes sous-traitantes tremblent. Les gars des chantiers sont en mouvement revendicatifs. La direction, qui perd des commandes autant comme autant durant ces grèves répétitives, accepte de distribuer généreusement de nouveaux acquis sociaux aux frais du contribuable. Mais, au sein des entreprises « satellites », on revendique. « Nous, nous voulons la même chose que les gars de la navale ». Faute d’avoir les reins assez solides, c’est le début d’une spirale infernale pour les sous-traitants.
Les Chantiers Baudet continuent pourtant, malgré un équilibre fragile, d’accumuler des références professionnelles dans le Monde entier. Mais le mal est profond. Les représentants des salariés évoquent des problèmes organisationnels au sein de l’entreprise. En 2008, sous la direction de Arnaud Marion, les difficultés sont sérieuses. Malgré le potentiel énorme des Chantiers Baudet, « tout se casse la gueule » sans que personne ne semble capable d’éviter le naufrage essentiellement financier.
Un comble, le 12 octobre 2009, le ministre du commerce Hervé Novelli décerne à l’entreprise le label « Entreprise du patrimoine vivant » alors qu’une mort presque certaine est annoncée. L’excellence et la rareté de son savoir faire obligeaient à tout faire afin que l’entreprise continue de vivre.
En décembre 2010, le Conseil régional de Loire-Atlantique rachète les murs des Chantiers Baudet. « Il faut préserver les emplois et les outils de production » souligne Christophe Clergeau, 1er vice-président de la région. Près de deux millions d’euros ont été « engloutis » et la Région doit « s’asseoir » sur le paiement très hypothétiques des loyers. Où sont passé ces millions aujourd’hui ? « Ils ont servi à prolonger notre activité et payer nos salaires. Il fallait que cela soit fait » précise le noyau syndical. Sans doute n’a t-il pas tort. Bien que l’entreprise traîne un passif d’environ 5 M€, le chiffre d’affaires de 2011 a été de 11 M€ et celui de 2012 sera à hauteur de 9 M€. Quant on sait que pour sa survie, l’entreprise a besoin d’un chiffre d’affaires de 13 M€, le différentiel autorise à se battre à tout prix.
Les représentants du personnel sont motivés. « Nous ne voulons pas sortir dehors et cramer des pneus. Nous voulons finir le navire U32. En modulation, sans les vingt intérimaires roumains, nous travaillons 44 heures par semaine. En continuant de travailler, les Chantiers STX pourraient nous faire confiance pour le navire suivant X32 ». Bel exemple d’amour de son entreprise.
Devant la dureté de la crise, devant la nécessité d’une diversification de l’industrie navale nazairienne chacun veut sauver les… meubles. Sur le plan matériel, c’est important, les salaires de février et mars seront assurés.
« La situation est difficile, mais nous croyons à l’avenir industriel maritime. Il faut maintenir l’activité et intensifier la diversification vers les énergies renouvelables ». L’orientation vers l’industrie des éoliennes marines n’est pas vraiment un débouché pour les menuisiers ébénistes de chez Baudet. À moins que les pales des hélices ne soient en bois d’acajou.
« Nous croyons à l’avenir des Chantiers Baudet. Ils sont un élément en fragilité des agenceurs navals locaux mais ils restent un maillon essentiel. Il faut un repreneur solide ayant une bonne connaissance des métiers de Baudet. Nous allons nous battre. Il faut le faire à tous les niveaux » demande Christophe Clergeau. Le délai du 24 février pour la remise des offres de reprise est court. L’Etat doit s’activer. La région est prête à accompagner dans les limites de ses compétences par des actions au niveau de la formation ou des aides à l’investissement par exemple.
Des rendez-vous d’importance vont se succéder à partir de lundi et mardi avec le sous-préfet. Des gros donneurs d’ordre (Airbus, Néopolia, Total…) seront associés à une table ronde pour poser les tenants et les aboutissants.
Le fleuron de l’agencement naval nazairien, à la réputation internationale reconnue, est aujourd’hui le « Baudet du fond de la classe ».
Il n’a pas vocation à y rester.
* Les chattes : sont de bateaux à trois mâts (le nom dérive de celui d'une embarcation d'origine néerlandaise, le Kat) qui servait notamment au transport des marchandises dans les ports
** amphidrome se dit surtout des poissons qui migrent des eaux fluviales vers la mer ou inversement.
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